Le curcuma peut-il remplacer les médicaments ?
Le curcuma, fameuse racine d'Asie qui sa transmet sa couleur
jaune caractéristique au non moins fameux curry, est bien plus qu'une simple épice
appréciée en cuisine. Il est en effet, depuis des temps immémoriaux, un remède
pilier de l'ayurveda, cet art thérapeutique indien millénaire (probablement la
médecine holistique la plus ancienne connue à ce jour). Nombre d’études
occidentales contemporaines ont démontré que la curcumine, la substance active
du curcuma, a des effets similaires à ceux de nombreux médicaments. Une
question se pose alors (à laquelle votre humble herboriste va tenter de
répondre ici) : peut-on seulement songer à substituer la consommation quotidienne de
curcuma ou de curcumine à la prise de certains médicaments ?
Les avantages certains de la curcumine
Lorsque vous achetez du curcuma, il est louable (et n’y
voyez pas là un conseil d’épicier, mais bel et bien celui d’un professionnel de
santé) de vous en procurer une quantité conséquente : l’or en poudre,
comme on serait tenté de le surnommer, est en effet utile pour de nombreux
troubles, tant sur le plan thérapeutique pur (en complément d’un traitement
d’attaque allopathique) que préventif ; et vous pouvez intégrer
quotidiennement le curcuma, sans risque, à votre alimentation. Il est en
quelque sorte, un admirable traitement de fond préventif pour de nombreuses
affections. Pour certains troubles, il est toutefois plus judicieux de consommer
la curcumine sous forme de gélules, en cures régulières sur du long terme. De
nombreuses études sont disponibles sur les propriétés médicinales épatantes du
curcuma, et surtout, de sa substance active, la curcumine (à laquelle nous avons déjà
consacré plusieurs articles) pour la santé. Il est d’autant plus légitime de se
demander, compte tenu des nombreux effets secondaires de certains médicaments
et du spectre réduit des effets indésirables de la curcumine, si nous n’aurions
pas intérêt à carrément les remplacer par le curcuma… De la même façon, alors que de
nombreux médicaments sont susceptibles de nuire au bon fonctionnement du foie,
la curcumine a un effet hépatoprotecteur. Alors que les médicaments
affaiblissent le système immunitaire, la curcumine a un effet
immunostimulant ! Enfin, alors que certains médicaments augmentent le taux
de glycémie, la curcumine contribue à le réguler… Mais alors, quel médicament
pourrions-nous sérieusement songer à remplacer par le curcuma, et cela serait-il réellement
envisageable en l’état actuel de nos connaissances sur les effets à long terme
de cette épice miraculeuse ?
La curcumine plutôt que les antidépresseurs ?
La fluoxétine est un antidépresseur mondialement connu, également
utilisé pour traiter les troubles obsessionnels compulsifs, la boulimie et les
crises qui y sont inhérentes. Toutefois, ses effets secondaires peuvent être conséquents,
au point que certains patients arrêtent de prendre leur médicament, notamment
pour cause de troubles du sommeil, d'anxiété, de nervosité, de nausées, de
fatigue, de fortes éruptions cutanées ou même d'idées suicidaires. La
curcumine, quant à elle, aurait un effet antidépresseur. En 2014, des
chercheurs indiens ont mené une étude durant laquelle ils ont comparé l'effet
de la curcumine à celui de la fluoxétine en cas de dépression. Pendant six semaines,
60 patients à qui on avait diagnostiqué une dépression ont reçu soit 20 mg de
fluoxétine par jour, soit 1000 mg de curcumine, soit une combinaison des deux. In
fine, les patients qui se sont le mieux portés sont ceux qui ont pris les deux
médicaments. Il est toutefois intéressant de noter que les patients qui
n'avaient pris que de la curcumine se portaient aussi bien que ceux qui n'avaient
reçu que de la fluoxétine. En cas de dépression, l’idéal serait d'inclure la
curcumine dans le traitement, en renfort du médicament allopathique.
De la curcumine à la place des anticoagulants ?
Divers médicaments sont prescrits pour fluidifier le sang.
Quelques premières études indiquent que de la même manière, le curcuma a un effet
anticoagulant. La curcumine étant considérée comme « sûre » à des
doses allant jusqu'à 8 g (selon une étude de 2019), les effets secondaires
connus pour les anticoagulants habituels (hémorragies internes) n'apparaissent
pas avec la curcumine. Malheureusement, le dosage du curcuma en tant qu’anticoagulant,
chez l'homme, n'est pas connu : il n'est donc pas possible d'échanger
simplement vos médicaments anticoagulants habituels contre du curcuma ou de la
curcumine ! Cependant, à titre préventif, on peut dans tous les cas
recourir à des préparations à base de curcuma ou de curcumine pour améliorer la
qualité de son sang.
De la curcumine au lieu de la metformine ?
La curcumine peut être utile en cas de diabète ou de
prédiabète. Dans une étude de 2009, des analyses cellulaires ont montré que la
curcumine avait un potentiel 400 à 100 000 fois supérieur à celui de la
metformine pour certains mécanismes d'action. La metformine, médicament couramment
prescrit en cas de diabète, inhibe l'absorption du sucre par l'intestin ainsi
que la formation de glucose dans le foie. La curcumine est, quant à elle,
censée réduire le taux de glycémie de manière très similaire. On sait qu’elle
peut atténuer, à long terme, les séquelles du diabète. Dans une étude de 2013,
il est également dit que la curcumine pourrait être intégrée dans le traitement
du diabète, car elle aide à réguler le taux de glycémie. Et en 2012, on a
constaté que l'administration de 1500 mg de curcumine par jour (pendant 9 mois)
réduisait chez un patient le risque que son prédiabète se transforme en diabète réel. Là encore,
faute de certitude quant au dosage approprié de la curcumine pour lutter contre
le diabète, mieux vaut s’en servir d’accompagnement au traitement habituel et
de traitement préventif.
De la curcumine au lieu de statines ?
En cas de taux de cholestérol élevé, on prescrit
généralement des statines (hypocholestérolémiants). Celles-ci sont censées non
seulement faire baisser le taux de cholestérol, mais aussi avoir un effet
positif sur l'état des parois des vaisseaux sanguins, réduisant ainsi le risque
d'artériosclérose ou empêchant la formation de dépôts supplémentaires sur les
parois des vaisseaux sanguins. L'ensemble des parois de ces vaisseaux sanguins
est appelé endothélium vasculaire. Si l'endothélium vasculaire est sain, il
empêche les plaquettes de s'agglutiner, libère des substances
anti-inflammatoires, dilate les vaisseaux et lutte contre le stress oxydatif
naissant. En bref, dans l'idéal, les vaisseaux sanguins peuvent se maintenir en bonne
santé. Cependant, une fois que l'endothélium vasculaire est endommagé (ce qui
est souvent le cas en cas de diabète), une grande partie de la protection
endothéliale propre au corps décrite ci-dessus fait défaut ; et des incidents
cardiovasculaires (par exemple des infarctus du myocarde) peuvent survenir. Il
convient de souligner que les statines, indiquées pour prévenir la détérioration
des vaisseaux sanguins et par extension, éviter ce genre d’incidents, peuvent paradoxalement
contribuer au développement d'un diabète dangereux pour l'endothélium
vasculaire : il n'est donc pas toujours avantageux d’en prescrire aux
diabétiques. Les autres effets secondaires des statines sont nombreux : sensation de faiblesse,
douleurs musculaires, problèmes oculaires, dommages au foie et aux reins… Une
alternative aux statines serait donc une piste intéressante à creuser, surtout
pour les diabétiques.
Étant donné que la curcumine a un effet positif sur le taux
de glycémie et qu'elle exerce, en outre, un effet anti-inflammatoire (qui
pourrait à son tour protéger les vaisseaux sanguins), on a vérifié en 2008 sur
72 diabétiques de type 2 si l'on pouvait recommander la curcumine à la place
des statines. Pendant huit semaines, les volontaires ont pris soit une
préparation standardisée de curcumine (150 mg à chaque fois) deux fois par
jour, soit la statine atorvastatine (10 mg une fois par jour), soit un placebo.
Au début de l'étude, l'état vasculaire de tous les patients était mauvais. Au
bout de huit semaines, la situation s'est nettement améliorée - sauf pour le
groupe placebo. Dans les groupes statines et curcumine, les marqueurs
d'inflammation ont diminué et le taux de malondialdéhyde (un biomarqueur du
stress oxydatif) a également baissé. L'effet de la curcumine, selon les
chercheurs, était comparable à celui de la statine utilisée (atorvastatine).
L'atorvastatine fait partie des statines les plus puissantes disponibles. Notez
qu'il ne s'agit pas, ici, de souligner un effet hypocholestérolémiant, sur la
base duquel on serait tenté de prendre de la curcumine à la place de statines,
mais "seulement" d’insister sur l’effet vasoprotecteur de la
curcumine et d’en démontrer l’utilité, une fois de plus en renfort d’un
traitement classique. Le Nutrition Journal a toutefois publié en 2017 une étude
prometteuse selon laquelle les personnes ayant fait une cure de curcuma ont
ressenti un effet cardioprotecteur naturel ; étude au cours de laquelle le
taux de cholestérol LDL et également les triglycérides ont pu être réduits.
Cependant, on ne sait pas, là encore, quel dosage exact, quel type de
préparation et quelle fréquence de prise sont nécessaires pour obtenir une
réduction optimale et fiable des lipides sanguins. La poudre de curcuma pure ne
suffirait pas et il faudrait recourir à des préparations à biodisponibilité renforcée. Dans les études menées jusqu'à présent, 900 à 1000 mg de curcumine
ont généralement été prescrits.
Vous pouvez, du reste, utiliser la curcumine en complément des
statines, si vous ne les tolérez pas vraiment ces dernières et surtout, si
elles provoquent chez vous des douleurs musculaires. Dans une revue de 2017,
deux études cliniques ont montré que la curcumine pouvait soulager les douleurs
musculaires liées aux statines après seulement 4 à 5 jours de cure.
N. B. : une autre substance protectrice contre les
troubles musculaires (myopathies) liés aux statines est la coenzyme Q10.
Remarque : d'un point de vue holistique, l'obtention d'un
taux de cholestérol sain ou de vaisseaux sanguins sains implique plusieurs
mesures simultanées. Mieux vaut donc vous en référer à votre médecin traitant
et ne pas miser sur un seul remède, aussi naturel et efficace soit-il ;
cela vaut pour la curcumine seule.
La curcumine plutôt que la cortisone ?
L'effet anti-inflammatoire est l'effet le plus connu du
curcuma et de la curcumine. Le mécanisme d'action serait similaire à celui des
glucocorticoïdes (cortisone). La cortisone est considérée comme un médicament
anti-inflammatoire puissant, utilisé dans de nombreuses réactions aiguës (par
exemple en cas d’allergie, de crise d'asthme, de poussée de maladies
auto-immunes comme la sclérose en plaques, de maladie de Crohn, etc.), mais
aussi de manière permanente dans les maladies inflammatoires chroniques :
l’asthme, la bronchopneumopathie chronique obstructive, la maladie de Basedow
et certaines maladies rhumatismales. Les corticostéroïdes, s’ils sont
efficaces, peuvent avoir des effets secondaires désagréables, surtout
lorsqu'ils sont prescrits à long terme. Outre la rétention d'eau, l’effet
« gueule de bois », un fort appétit et bien souvent, le surpoids qui
en découle, la cortisone peut réduire les défenses naturelles de
l'organisme ; ce qui augmente le risque d'infection et par la même
occasion, le risque d’un taux de glycémie trop élevé, qui entraîne à son tour un
risque de diabète. La cortisone nuit également à la santé des os, et ce de
plusieurs manières : elle réduit l'effet de la vitamine D, inhibe l'absorption
du calcium par l'intestin, favorise l'élimination du calcium par l'urine,
bloque les ostéoblastes (cellules qui construisent les os) et affaiblit la
musculature (les os ont besoin de muscles forts). Pourrait-on, dans l’optique
d’endiguer ces effets secondaires, prendre de la curcumine à la place de la
cortisone ? La curcumine régule en effet, c’est aujourd'hui admis, le taux de
glycémie ; elle renforce les défenses immunitaires et a même un effet
positif sur la santé osseuse. En ce qui concerne cette dernière propriété, il
existe une étude clinique contrôlée fort intéressante, datant de juin 2018. On
y a découvert que sur 100 patients, l'administration quotidienne de 110 mg de
curcumine par kilogramme de poids corporel pendant 6 mois -par rapport à un
groupe placebo- pouvait inhiber la progression de l'ostéoporose. La densité
osseuse a diminué au cours de l'étude dans le groupe placebo, alors qu'elle a
augmenté dans le groupe curcumine. Du reste, la dose de curcumine était très
élevée : une telle dose ne doit être introduite dans l’organisme que
progressivement et avec l’approbation d’un médecin !
Les effets secondaires négatifs typiques de la cortisone ne sont
donc pas comparables à ceux, quasi inexistants, de la curcumine (dont les
effets secondaires bénéfiques, par ailleurs, sont nombreux). Mais l'effet
anti-inflammatoire de la curcumine seule est-il suffisant ?
Effet anti-inflammatoire de la curcumine et de la cortisone
En 2016, deux pharmaciennes, les professeurs Alexandra K.
Kiemer et Jessica Hoppstädter, de l'université de la Sarre, ont vérifié les
propriétés anti-inflammatoires du curcuma. Sa substance active, la curcumine,
influencerait -tout comme la cortisone- une certaine protéine (la protéine GILZ :
glucocorticoid-induced leucine zipper) qui joue un rôle clé dans les
inflammations du corps. La GILZ empêche les inflammations et veille à ce que,
par exemple, après une infection, la réaction inflammatoire, utile dans un
premier temps, ne devienne pas chronique. La cortisone agit contre les
inflammations chroniques en augmentant le taux de GILZ dans le corps. Or, la
curcumine peut, comme la cortisone, stimuler la formation de GILZ. À la
différence que si la cortisone stimule d'autres processus dans le corps (ce qui
entraîne les effets secondaires typiques de la cortisone), ce n'est pas le cas
de la curcumine. Les essais ont toutefois eu lieu dans des éprouvettes… On ne
sait pas, une fois de plus, à quelles doses exactes la curcumine pourrait être
utilisée pour remplacer la cortisone. On sait toutefois, grâce à différentes
études (in vitro, sur animal, cliniques), que l'effet anti-inflammatoire est
présent entre 1125 et 2500 mg. En fonction des symptômes individuels, il s'agit
convient donc -comme c'est souvent le cas avec les remèdes naturels- de déterminer
soi-même, progressivement, après conseil auprès de son médecin traitant et de
son pharmacien, la dose dont on a besoin pour être soulagé. Il est probable que
les préparations « normales » de curcuma trouvables dans le commerce
ne suffisent pas en cas de maladies fortement inflammatoires, en raison de leur
faible biodisponibilité ; le cas échéant, il faut recourir à des préparations adaptées et correctement dosées en curcumine et en poivre noir.
Pourquoi les études sur ce sujet sont-elles rares ?
Si la curcumine est si prometteuse en matière d'inhibition
des inflammations chroniques, peut-on s'attendre à d'autres études sur le sujet
? Malheureusement, peu d'espoir nous est permis, pour la bonne raison que des
études cliniques de grande envergure devraient être présentées par les
fabricants de substances actives pour obtenir une autorisation de mise sur le
marché en tant que médicament. En l'absence de protection par brevet, celles-ci
ne peuvent pratiquement pas être financées… C'est pour cette même raison que les
études sur d’autres compléments alimentaires a priori très efficaces sont si
peu nombreuses. Suite à quoi le nombre restreint d’études sur tel ou tel remède
naturel nuit très largement à sa démocratisation et participe à la perte d’un
savoir ancestral.
Du curcuma et de la curcumine à la place des médicaments ?
Cet article, au titre quelque peu provocateur, il faut bien l’avouer, n’a définitivement pas pour but de vous encourager à remplacer, là, tout de suite, votre traitement allopathique par des gélules de curcuma. Au contraire… Si vous y songiez, votre humble pharmacien-herboriste de Woippy tient à souligner qu’en aucun cas, la médecine traditionnelle chinoise, la médecine ayurvédique, ou une quelconque médecine alternative ne devrait avoir pour vocation de remplacer la médecine allopathique, formidable à bien des égards ; mais à la renforcer, à l’ajuster, à en soustraire les effets secondaires et à en optimiser l’efficacité. De la même manière, le curcuma et sa substance active, la curcumine, sont à votre disposition, au quotidien, pour renforcer, ajuster, optimiser l’efficacité des médicaments allopathiques et en diminuer les effets secondaires néfastes. Le curcuma, consommé à titre préventif, jouit d’un potentiel exceptionnel pour nous garder en bonne santé. En cas de suspicion d’une affection, lors, par exemple, de la présence des premiers indices d'un début de diabète ou de problèmes cardiovasculaires, il sera tout à votre honneur d’évoquer le curcuma avec votre médecin et de consulter votre pharmacien pour appréhender avec certitude le dosage nécessaire à lutter contre le développement d’un trouble mineur. Il est tout à fait possible que vous n'ayez pas besoin, dans un premier temps, de prendre des médicaments : une cure de curcuma vous permettra d’en avoir le cœur net. Enfin, ce dernier s’accorde la plupart du temps à merveille, comme nous l’avons précédemment évoqué, avec les traitements allopathiques pour en renforcer l’action et en atténuer les effets négatifs. Avec le temps, vous pourriez même vous permettre de réduire le dosage de vos médicaments allopathiques. Là encore, il est important de prendre conseil auprès de votre médecin et de votre pharmacien. Enfin, vous pouvez toujours utiliser le curcuma sans modération dans votre cuisine : nombreuses sont les recettes délicieuses à base de curcuma, facilement utilisable avec le riz, les légumes, le poisson, sans oublier le bien nommé "lait d'or" ou "curcuma latte", véritable trésor pour la santé au quotidien ! Bon appétit rime ainsi avec longue vie !